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Novembre 2022

Semaine 2 de Création

 SUJET 

L'ARGENT

 PRINCIPES 

⇒ votre œuvre peut prendre la forme d’un film, d’une pièce de théâtre, d’une conférence, d’une expo, d’une performance… elle peut faire appel à tous les arts ou à un seul, à votre choix, mais il est essentiel que chaque dimension ajoutée à votre œuvre soit travaillée avec une même exigence manifeste ;
 

⇒ vous avez l’obligation de coopérer (3 personnes minimum), mais chacun·e d’entre vous peut participer à plusieurs projets et donc coopérer avec plusieurs groupes de personnes 
 

⇒ pour votre création principale, vous ne pouvez pas vous associer à des personnes avec lesquelles vous avez déjà coopéré la semaine de création précédente
 

⇒ sauf si la réalisation de l’œuvre l’impose ou un moment de celle-ci (ex: tournage) le réclame, le campus Jean-Paul Curnier reste le lieu de rencontre pour les différentes équipes et de fabrication des créations, chaque jour de la semaine.
 

les restitutions auront lieu en public vendredi 2 décembre 2022 en après-midi

 DÉVELOPPEMENT DU SUJET 

ANNÉE 2022

Lundi 21 novembre 22

“Notre époque est chahutée, c’est le moins que l’on puisse dire, et quand on voit une lueur au bout du tunnel, parfois c’est un train qui nous fonce dessus.” Alain Chabat, 2022

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Lundi 21 novembre , TF1, 22:55, le Late Show :

Le créateur de l’émission, Alain Chabat, évoque à sa manière la baisse du pouvoir d'achat et propose son aide en créant une publicité pour l’argent* : « Envie de vous acheter des vêtements qui vous plaisent ? de vous déplacer dans un véhicule flambant neuf ? de procurer à vos enfants les aliments dont ils ont besoin pour bien grandir ? N'attendez plus et essayez l'argent. Avec l'argent, dites adieu aux problèmes du quotidien. »

 

* voir la publicité pour l’argent : 
twitter.com/lelateofficiel/status/1594817495222845440

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ANNÉE 2022

Lundi 10 octobre 2

Le phénomène monétaire est au cœur des sociétés humaines, comme une sorte de contrat social fondamental. Il provient d’un processus de valorisation et d’une convention commune par laquelle une communauté d'individus s’accorde autour de l’argent comme signe de la valeur des choses.

 

L’argent devient alors un signe, une sorte de langage qui permet de faire des liens entre les objets et de s’entendre sur une échelle de valeur. Dès lors, l’argent fait donc référence, donne une valeur aux choses et finit par devenir  lui-même LA valeur. 

 

Selon André Orléan* "l'argent c'est le pouvoir sur autrui. C'est un pouvoir d'acheter, une position dans laquelle vous pouvez acquérir les biens d'autrui. Il s'agit donc d'un lien social, et sans ce lien, il n'y aurait pas de société marchande.
Pour que l'économie marchande existe, il faut qu'il y ait une référence commune, un langage commun et un lien entre les individus. C'est cette idée que l'économie orthodoxe a beaucoup de mal à comprendre, parce qu'elle conçoit l'économie comme une collection d'individu·e·s".

 

D’où vient le désir d’argent ? L’argent comme désir absolu : les dérives du désir

 

La dimension mimétique du désir est sous-estimée. "Ce n'est pas dans les individus, mais c'est dans la relation des individus avec autrui que se trouve le sens et la finalité. Ce n'est pas vraiment l'objet lui-même qui est en cause, mais les rivalités entre les individus".

 

* André Orléan Économiste, directeur d'études à l'EHESS
voir le podcast de l’émission sur France Culture avec André Orléan

Épisode 1/3 : Une philosophie du désir d'argent
 

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ANNÉE 2010

Le Doigt d’honneur à la Bourse d’Italie

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Maurizio Cattelan, L.O.V.E, 2010. Bourse d’Italie à Milan. 

L’œuvre s’appelle L.O.V.E : c’est une sculpture d’inspiration antique, taillée dans un bloc de marbre de carrare, représentant une main sur laquelle tous les doigts ont été coupés, à l’exception du majeur. Installée sur un piédestal monumental, l’œuvre mesure 11 mètres de haut, et surplombe la Plaza degli Affari, juste devant la Bourse d’Italie à Milan (capitale financière), dans le quartier des affaires. Elle fait face au Palais Mezzanotte, comme pour humilier satiriquement ce temple des finances italiennes.

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IXe - VIe siècle avant J-C

Dans l’Ancien Testamen

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Lazare et le mauvais riche, enluminure du Codex Aureus d'Echternach.

⇒ Exode XXII : « Si tu prêtes de l’argent à quelqu’un de mon peuple, au pauvre qui est avec toi, tu ne seras pas à son égard comme un créancier, tu n’exigeras pas de lui d’intérêts. »

 

⇒ Deutéronome XXIII : « Tu n’exigeras de ton frère aucun intérêt, ni pour argent ni pour vivres, ni pour aucune chose qui se prête à intérêt. »

 

⇒ Lévitique XXV : « Si ton frère devient pauvre et que sa main s’affaiblisse près de toi, tu le soutiendras, fût-il étranger, afin qu’il vive auprès de toi. Ne tire de lui ni intérêt ni profit, mais crains ton Dieu et que ton frère vive avec toi. Tu ne lui prêteras point ton argent à intérêt et tu ne lui donneras point de tes vivres pour en tirer profit. »


Ces trois passages de l'Ancien testament sont à l’origine de plus de deux mille ans d’interdictions légales en Europe, mais aussi d’infractions et de détournements de la loi.

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ANNÉE 622

En Islam

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Dinar omeyyade datant du règne du calife ʿUmar II

Le Prophète Mohammed ibn Abd Allah a dit : Au nom d'Allah, ce n'est pas la pauvreté que je crains le plus pour vous mais je crains que les biens mondains ne vous submergent comme ce fut le cas de vos prédécesseurs, et que vous vous les disputiez comme ils se sont disputés et qu'ils entraînent votre perte comme ils l'avaient fait de vosprédécesseurs.

 

Rapporté par al-Bokhari, 4014 et par Mouslim, 2961.

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ANNÉES 1210

La Pauvreté volontaire de François d’Assise et des Frères Mineurs

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François d’Assise, le Prêche aux oiseaux - Giotto - Fresque de 1295 - église de la Basilique St François à Assise

S’il y a des êtres marginaux dans l’histoire de la notion de bien commun, ce sont bien les Frères mineurs rassemblés par François d’Assise*. Pour la première fois dans le monde latin, des religieux ont prétendu vivre ensemble sans posséder rien en propre ni en commun, dans un état de « minorité » qui les plaçait immédiatement au niveau des mendiants et des plus pauvres – à ceci près que leur pauvreté étant volontaire, elle ne constitue pas un problème à résoudre, ni une situation à dépasser, mais un moyen puissant de vivre parfaitement l’Évangile. Les Frères mineurs apparaissent ainsi comme des individus doublement étrangers à la quête d’un bien commun de nature politique, à la fois par le « bas » et par le « haut » : comme pauvres volontaires, ils ne cherchent pas à bénéficier d’un meilleur sort, contrairement aux autres pauvres (d’aucuns diraient les « vrais » pauvres) ; comme religieux engagés dans la voie de la vie parfaite, c’est-à-dire comme personnes qui non seulement observent les commandements divins (ce qui incombe à tous), mais ont choisi de renoncer à toute possession, plus radicalement encore que les moines, ils sont le signe concret d’un dépassement possible de l’horizon politique du bien de la communauté, voire d’un dépassement historiquement programmé du bien commun ainsi entendu 

 

Que ce soit par « en haut » (vie parfaite) ou par « en bas » (pauvreté « très haute » – altissima – c’est-à-dire radicale, et volontairement embrassée), les Frères mineurs semblent donc se tenir totalement en marge de la question du bien commun.

 

Les Frères mineurs ont choisi, dès leurs origines, de se tenir hors du droit, en marge de la société, sans pour autant constituer une société à part (l’ermitage n’étant pas, chez les Frères mineurs, une situation permanente). Les Frères mineurs ont refusé non seulement d’être propriétaires de quoi que ce soit à titre individuel, mais également à titre collectif, refusant par là d’être tenus pour responsables de leurs affaires. 

 

* voir les Onze Fioretti de François d’Assise sur le site SdS
https://supdesub.com/onze-fiorettti
 

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ANNÉES 1514 & 1520

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Le Prêteur et sa Femme - Quentin Metsys - Schilder 1514 -  huile sur panneau, conservés au Louvre, Paris

Parfois aussi appelé “Le Changeur et sa Femme”, “Le Peseur d'or et sa Femme” ou encore “Le Banquier”, cette peinture* est une représentation allégorique et moralisatrice de la profession du prêteur d'argent. L’intention du peintre est d’inciter les banquiers à la modération dans la pratique de leurs affaires. Manifestement non satisfait de l’impact sur la société flamande de cette première représentation, il sort une “saison 2”,  6 ans plus tard où il  force le trait pour se faire comprendre :

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Les usuriers - Quentin Metsys - 1520 - Huile sur toile conservée à la Galerie Doria Pamphilj, Rome 

* voir le commentaire sur le tableau 1 : 

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ANNÉES 1900

“L’argent, Dieu de notre temps, qui s’est hissé du rang de moyen au rang de fin. […] Contrairement à toute autre possession, la possession d’argent correspond psychologiquement à ce que trouve le croyant dans son Dieu.”

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Georg Simmel -  (1847-1904)

Le philosophe viennois Georg Simmel a consacré l’essentiel de sa vie à étudier les rapports de l’homme à l’économie de l’argent. Dans son livre le plus connu, "Philosophie de l’argent”, Georg Simmel  examine les processus de déification de l'argent mais aussi les bienfaits et les méfaits de l’argent sur la civilisation.

 

Les "bienfaits" de l'argent selon Simmel

Un moyen d’échange capable d’absorber et d’annuler les différences et d’installer du commun.

 

Georg Simmel considère certains services essentiels rendus à la civilisation par l’argent, grâce à l’impersonnalité incolore qui lui est propre. Au fil de l'histoire, avec l'instauration du système monétaire, l'argent s'est substitué aux objets ou aux biens qui étaient autrefois la valeur d'échange. Et finalement, lorsqu'il adopte la forme d'actions par exemple, il se substitue à la personne en prenant part à l’association à sa place : Il établit alors une frontière toujours plus fine entre l’union des intérêts et leur séparation.

 

1- Ainsi de nouvelles formes d’association ont pu voir le jour, entre des individus et des groupes très distincts autour d’un même "but". Deux exemples :

  • les syndicats qui, en France, se sont constitués à partir de 1848 à partir d’associations de travailleurs qui ont alors mis en commun l’intégrité de leur gain et économie dans une caisse commune afin de garantir des prêts

  • les fondations Gustav-Adolf, grande association de soutien aux paroisses évangéliques quelles que soient les différences confessionnelles des donateurs ayant permis la réalisation d’œuvres communes qui n’ont été possible que parce que l’argent a servi de moyen de liaison idéal et a consolidé ainsi entre eux le sentiment "d’appartenir malgré tout" à la même cause.

 

Les unions, les organisations de ce genre, étaient complètement inconnues et impossibles au Moyen  ge. Elles sont désormais parfaitement évidentes, pourtant, elles représentent l’une des transformations et l’un des progrès les plus colossaux de la civilisation.

 

2- L’argent crée de fortes et nombreuses interdépendances entre les membres d’une même sphère économique ; l’homme moderne est dépendant de bien plus de "fournisseurs et de sources d’approvisionnement que ne l’étaient jadis le paysan libre des anciens temps ou plus tard le serf".

L’existence d’un individu tient désormais à cent et une liaisons sans lesquelles il ne pourrait survivre.

 

L’une des conséquences de ces multiples liaisons organisationnelles "vitales" que l’argent a provoqué est la division du travail de la production. par laquelle il lie irrémédiablement les hommes les uns aux autres : chacun travaille alors pour l’autre, et seul le travail de tous crée l’unité économique globale… 

 

L’argent génère infiniment plus de liens entre les humains. L’argent a instauré pour tous les hommes un niveau d’intérêt commun si englobant… qu’il a jeté les bases d’une compréhension immédiate et réciproque, une uniformité d’orientations qui a contribué à engendrer la représentation de l’universel humain. Le monde l'argent pour se maintenir doit s’étendre toujours, - à tout territoire et toute chose, - pour une idéologie de l’universalité humaine doit se propager et dominer. (ex : pour l’Empire romain lorsqu’il réalisa l’économie monétaire). 

 

3- Avec l’argent, l’individu a beaucoup "gagné" en autonomie car les rapports de dépendance d’une personne en augmentant de façon spectaculaire sont liés a bien plus de fournisseurs qu’elle ne connaît pas physiquement et nommément, qui sont devenus des fournisseurs "anonymes". Nous pouvons en changer fréquemment et arbitrairement, ce qui accroît fortement l’individualisme de chacun. 

 

L’argent crée une nette séparation entre l’agir économique de la personne et son moi propre tout en l’invitant à se retirer dans ses retranchements les plus intimes.

 

En somme l’économie de l’argent concilie deux effets : 

  • d’une part, il est un moyen de relation et de compréhension entre les humains par son caractère uniforme et son pouvoir de fédération autour d’intérêts communs 

  • d’autre part, il permet une des plus grandes libertés et individualisation à ces mêmes personnes. 

 

Pour Georg Simmel, l’argent est une garantie de liberté personnelle. Déjà à l’époque romaine, il était inscrit dans le droit que l’on pouvait refuser de s’acquitter d’une tâche en nature par le versement de son équivalent en argent.

Au XVIIIe siècle, Joseph II l’Empereur du Saint-Empire romain germanique, souhaitant l’émancipation des paysans, leur permit de racheter leurs “corvées” et leurs prestations en nature par des redevances en argent. Le remplacement de la prestation par le paiement en argent libère immédiatement la personne de l'enchaînement spécifique que cette prestation lui imposait.

 

Les "méfaits" de l'argent selon Simmel

 

Cependant la substitution en argent d’une prestation peut avoir un effet humiliant, comme ce fut le cas pour les alliés d’Athènes qui, lorsqu’ils ont remplacé les contingents de bateaux et d’équipages qu’ils fournissaient jusqu’alors par des sommes d’argent, se trouvèrent privés de leur droit politique : ce qui était une apparente libération n’était qu’en fait qu’un renoncement à une participation politique.

 

Une des propriétés essentielles de l’argent consiste à "couler la valeur de l’objet dans n’importe quelle forme, tandis qu’elle était auparavant liée à une forme en particulier […] Avec de l’argent dans les poches nous sommes libres, alors que l’objet nous rendait dépendants des conditions de sa conservation et/ou de sa fructification.

 

Mais cette liberté ne signifie-t-elle pas en même temps une vacuité de l’existence et la désagrégation de sa substance ?"

 

L’argent devient la valeur de l’objet qui s’en trouve alors comme "dématérialisé". Mais l’objet lui-même était un contenu de vie qui donnait une orientation à l’existence. C’est ainsi la vie elle-même dont le sens disparaît, s’oublie, absorbé par l’argent.

Dans une économie de l’argent, la dimension qualitative des objets perd de sa puissance psychologique directe et, l’évaluation d’après la valeur monétaire, constamment requise, apparaît bientôt comme la seule valable. C’est une perte du sens de la vie qui s'engage dans une dévaluation graduelle de la matière des choses au profit de leur seule valeur argent.

    

L’argent finalement est la chose même, la seule chose qui vaut, la valeur-chose, froide et uniforme

 

Simmel s’attache à démontrer que si l’argent est le tout de la valeur, la valeur de l’argent au fil du temps se détériore, en prenant l’exemple de l’amende. Le domaine de l’amende s’est beaucoup restreint au fil de l’histoire. Les peines autrefois les plus graves, y compris le meurtre, pouvaient être expiées par de l’argent alors que "les droits modernes ont cantonné l’amende aux méfaits relativement bénins". 

 

 

En conclusion

 

Pendant la plus grande partie de leur vie, les humains modernes auront en vue le gain d’argent comme étant le but immédiat de leurs aspirations, naît alors l’idée que tout bonheur et toute satisfaction définitive dans l’existence seraient solidairement liés à la possession d’une certaine somme d’argent : de simple moyen et de préalable qu’il était, l’argent devient ce but inconditionnel dont l’obtention est possible en principe à chaque moment. Et cette accessibilité permanente de l’argent produit quantité de dérèglements  : 

  • Inquiétude ;

  • fébrilité ;

  • agitation continuelle de la vie moderne,

 

dont l’argent la roue impossible à arrêter empêchant que rien jamais de la vie ni ne se pose ni ne s'apaise.

 

Une fois instauré le règne sans partage de l’économie monétaire, ce désir perpétuel devient la prédisposition de l’âme au détriment de bien d’autres composantes de la vie spirituelle et concrète faisant ainsi de l’argent une fin et non un moyen. 


 

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BON TRAVAIL !

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